Caroline Rodgers, collaboration spéciale
Quand les saboteurs s’en mèlent
Ils se cachent dans tous les milieux de travail. Ils sont habiles. Ils sont discrets. Et ils ont un objectif en tête : détruire le travail d’une autre personne pour en retirer des avantages et faire bonne figure. Attention : les saboteurs sont peut-être parmi vous.
« À la différence d’un harceleur ou d’un manipulateur, le saboteur vise à détruire le travail, et non la personne. Ils s’attaquent aux tâches et à la réputation d’un autre employé par différents moyens insidieux «, explique Jacqueline Arbogast, psychothérapeute et coauteure, avec Frédérique Chatain, du livre Les saboteurs sont parmi nous, publié aux Éditions LER.
Comment ? En vous donnant délibérément une mauvaise information ou un mauvais conseil pour vous induire en erreur et vous mettre des bâtons dans les roues. En vous piquant vos clients, en vous indiquant la mauvaise heure d’une réunion, ce qui a pour effet de vous faire arriver en retard et mal paraître, et en faisant échouer vos initiatives.
« Ce sont des gens qui manquent d’estime de soi et abaissent les autres pour augmenter leur pouvoir, dit Mme Arbogast. Ils sont très intelligents, fins politiquement, ils comprennent le système et ses faiblesses et savent les utiliser. «
Des dégâts
Un tel comportement n’est pas sans causer un tort considérable dans une entreprise. Baisse de productivité, budgets gaspillés, ambiance de travail pourrie et rupture du lien de confiance entre les personnes sont des conséquences fréquentes de la présence d’un saboteur au bureau. Quant à la victime, elle peut se retrouver avec une estime de soi sérieusement amochée.
« Les sabotés tombent souvent malades ou quittent l’entreprise. C’est une perte de talents, de potentiel et de connaissances «, dit Jacqueline Arbogast. Car, en général, la personne sabotée est une personne compétente que le saboteur juge menaçante.
C’est arrivé à Marielle Langevin (nom fictif). Du jour au lendemain, cette gestionnaire d’un cabinet de consultants a vu partir un de ses jeunes employés les plus prometteurs sans comprendre ce qui se passait, car le démissionnaire s’est enfui sans donner d’explications.
Révélation
« Ce n’est que plus tard, en lisant le livre, que j’ai compris qu’il avait été victime de sabotage, dit-elle. Ce jeune homme travaillait sous la supervision d’un autre employé. J’avais eu le malheur de mentionner à ce dernier à quel point je trouvais ce petit nouveau intelligent et prometteur, ajoutant qu’il irait loin dans la profession. «
Avec le recul, Marielle Langevin a découvert que le superviseur affectait à l’employé des tâches complètement inutiles. Il ne lui donnait pas certaines informations essentielles pour bien faire son travail. Il s’arrangeait pour que l’autre fonctionne mal ou dépasse ses budgets. Or, l’employé était brillant et s’est vite rendu compte que quelque chose n’allait pas. Il est parti sans demander son reste, privant l’entreprise de ses talents. Quant au saboteur, il a été congédié plus tard.
Certains contextes de travail sont plus propices que d’autres à l’apparition des saboteurs.
« S’il y a un manque d’encadrement, si le travail est mal défini et si le saboteur potentiel sent que la direction laissera passer ses agissements, tout ça favorise ce genre de comportements «, dit Jacqueline Arbogast.
De plus, on retrouve souvent dans l’histoire des saboteurs, des patrons qui se sont montrés inaptes à faire des évaluations de travail pertinentes, note-t-elle. Un cadre qui évite les confrontations, des objectifs mal établis et l’absence de balises objectives pour évaluer les employés créent une zone grise constituant un terreau fertile aux agissements des saboteurs. Ceux-ci auront beau jeu de s’attribuer le mérite des réalisations de leurs collègues, ou de leur mettre leurs échecs sur le dos.
Guide de survie
Selon les auteures du livre, trois stratégies sont possibles pour en finir avec un saboteur : la fuite, la défense ou l’attaque. Dans certains cas, si le sabotage dure depuis longtemps, mieux vaut partir.
« Sauver sa peau est un acte responsable et on aurait tort d’associer fuite et faiblesse «, notent les auteures. Toutefois, fuir en silence n’est pas l’idéal. Avant de partir, le saboteur doit au moins être confronté.
La seconde attitude consiste à rester en poste tout en se protégeant du saboteur ou en l’isolant. Cette solution demande beaucoup d’énergie. « Il faut démentir toutes les rumeurs vous concernant, valider systématiquement toutes les informations provenant du saboteur, conserver tous les éléments pouvant servir de preuve, par exemple les courriels, et manifester une vigilance constante. «
Finalement, il y a aussi l’attaque : faire partir le saboteur ! Ce qui veut dire, avant tout, obtenir son licenciement ou sa mutation à un autre poste. Si vous décidez de vous lancer dans cette aventure, fourbissez vos armes ! Pour ce faire, il faut monter un dossier à l’interne avec preuves à l’appui, et obtenir un soutien de vos collègues. Vous devrez déposer une plainte officielle et faire preuve de cran.
Quoi qu’il en soit, si vous êtes un saboté, le statu quo est inacceptable, selon toutes les victimes interviewées par Jacqueline Arbogast et Frédérique Chatain. Réagissez, disent-elles, car vous n’avez pas à poursuivre votre travail dans de telles conditions.